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4. 3ème INTERVENANT (1): Prof Grégoire Biyogo

Kii Kanla? Lumu nu indaaleel? n° 6


Invité Prof Dr Dr Tidiane Ndiaye


2014

PROLÉGOMÈNES A TOUTE DISCUSSION AUTOUR DE L’ŒUVRE DE CHEIKH ANTA DIOP : PROLOGUE A NOTRE DISCUSSION AVEC L’ANTHROPOLOGUE TIDIANE N’DIAYE par Prof Grégoire Biyogo (1).

0-Des travaux et des critiques ont été gagés sur l’œuvre technique et érudite de Cheikh Anta Diop, lesquels ont fait accroître l’heuristique et la science africaines et mondiales. Dans ces travaux, souvent amputés de la compréhension logique et épistémologique du diopisme, nous avons tracé un tournant : celui de l’examen serré de l’argumentation, non pas seulement la reprise parfois paresseuse de son énumération, ou sa reprise timide et héroïsée, sans réévaluation préalable, sans re-territorialisation ferme des objets, des apports comme de controverses, mais l’exercice d’une relecture critique et internatliste de l’œuvre à partir du protocole qui en constitue l’économie interne. En cela, nos travaux s’attachent à explorer les discussions à partir des questions relatives à la scientificité des démonstrations. Et à revisiter, à revitaliser toujours déjà à ce prix, les héritages diopiens. C’est aussi à ce titre que ce courant logico-épistémologique est considéré par les spécialistes et par les savants comme celui qui le mieux permet de jurer avec les héritages, je Réponds donc à Tidiane N’Diaye en qualité de spécialiste de cette œuvre si souvent mal lue, et phagocytée, victime de mésinterprétations, de sur-interprétations, par cela même qu’on la discute souvent sans en connaître l’ensemble du corpus, lui faisant dire ce qu’elle ne dit pas, ou ce qu’elle n’aurait dit qu’incidemment, pour parvenir à une proposition tout autre… Le travail diopien est comparable dans l’histoire des sciences à celui de René Descartes, lesquels ont tous deux réfuté la science de leur temps, et ont entrepris de la « re-bâtir » à l’aune de la mathématique, et de la physique pour ce qui est de Diop, qui tient cette démarcation de son Maître en épistémologie, Bachelard. Il s’agit donc de contributions qui commandent d’être lues « in extenso », en toute leur étendue, en toute leur intégralité, pour en parler de manière savante, car il s’agit de travaux savants. C’est là une condition minimale que celle de parle dans l’œuvre, en son centre et non en ses dehors, en ses parties. L’on ne peut donc discuter raisonnement et avec pertinence qu’à cette condition apodictique.

I-Si les erreurs constituent une chance pour la science moderne (« errata mathemata »), il en est tout autrement des dogmes infalsifiables dans l’acception poppérienne « stricto sensu » qui confortent obscurantisme et essentialisme. Il incombe alors aux épistémologues diopiens, derridiens et rortyens de rectifier, de déconstruire et de désensorceler les pseudo-énoncés de la pseudo-science par le recours au protocole de la démonstration.

II-Quant à la tonalité et au tempérament des échanges, ils seront attentifs au principe de Davidson, à la tolérance autant qu’à cette hospitalité que l’Afrique enseigne dans son substratum philosophique au Monde entier et que les doctes savent acter.

III-Pour ce qui est des résultats de ces discussions techniques, il plane le risque de quelque retard, puisque ce qui est en jeu, c’est de re-discuter des propositions déjà étayées, connues depuis le XXème siècle, infirmées ou corroborées pour l’essentiel La méthode sera donc d’indiquer les thèses attestées, dont la scientificité a déjà été établie, et de réfuter formellement celles qui les rediscuteraient après leur testabilité, et qui seraient ainsi fallacieuses, pour que, au terme des échanges, on puisse démythifier, démystifier, dé-mythologiser – ou pas – ce que notre interlocuteur Tidiane N’Diaye tient pour « un Mythe ».

IV-Si donc « le Mythe » devait être réfuté, renversé, déconstruit, désensorcelé, en raison ( une raison critique, dont nous partagerions la vigilance, nous avons toujours déjà en partage d’exorciser ses excès), il faudrait bien consentir à l’abandonner, à capituler, et à le considérer comme un « Mythe idéologique », participant de la consolidation d’une science autoritariste, mensongère, ne résistant pas à la scientificité du paradigme révolutionnaire des Antiquités africaines. Symétriquement, si la thèse d’une Égypte africaine devait, après le Colloque du Caire de 1974 – et les divers travaux qui en ont assuré le continuum -, être disputée, réfutée, étonnamment reléguée au mensonge, alors nous autres diopiens et chercheurs des Antiquités africaines serions amenés à en prendre acte. Mis il s’en faut de beaucoup pour faire dire le faux à la science lorsqu’elle y a vu le vrai…

V-Or, il y a dans la discussion à laquelle je suis convié un quantum de connaissances, de théories, de sciences qui commandent de débrouiller leurs résultats, de produire avec rigueur les définitions préliminaires fermes des termes, des délimitations prescriptives des objets examinés, et des moments d’examen rigoureux de cela qu’on appelle et que l’on tient pour des preuves. Je vais donc dans une première articulation résumer la thèse de Tidiane Fall N’Diaye, en en discutant minutieusement la scientificité et en me prononçant sur les arguments qui l’étayent. Puis le second moment consistera à instruire de nouvelles théories et de nouveaux arguments à cette discussion. Car le parallélisme des formes est exigé en science : lorsque Diop parle d’anthropologie, discutons-en avec des arguments d’anthropologie, il en est de même lorsqu’il parle de philosophie, de mathématique, de physique nucléaire, de biologie moléculaire, de génétique des populations… Je puis d’ores et déjà, avant même de dérouler ma Réponse, pointer cette première objection méthodologique et épistémologique matinale et imparable, de discuter d’un corpus holistique, systémique, homéostatique avec des arguments régionaux, lesquels n’entendent pas le Tout du projet, du programme heuristique, et s’autoriser tout de même, mais nécessairement de manière téméraire, partielle, et bientôt partiale, de se prononcer sur des objets l’architectonique est transversale Cette objection, je l’ai faite à Fauvelle et aux chercheurs communément désignés sous le nom d’africanistes. Avec des arguments parcellaires, l’on a souvent imprudemment attaqué des questions diopiennes déroulant des arguments holistiques, sans se soucier au préalable d’instruire l’ordre du discours au sens foucaldien, sans délimitation formelle des territoires de la discussion, sans prendre comme exigence impérieuse la caractérisation logique des arguments, sans mesurer l’impossibilité logique où, de la sorte, l’on se trouverait soi-même, de pouvoir en toute orthodoxie, réfuter cela qu’on entreverrait que de manière insuffisante, de manière partielle. Car l’on serait à la vérité dans la partie, dans la topique faible de la partie, sans pouvoir encore soupçonner l’ampleur du Tout. Mais on proclamerait d’être dans le Tout. En s’excluant ainsi de la possibilité d’attaquer le Tout de l’édifice, en ne sachant pas le faire, en ne sachant plus le voir, l’on ne s’interdisait pas cependant de conclure à l’effondrement du Tout de l’édifice diopien, en le retournant en un « Mythe », là où celui-ci attaque le Mythe de la capture de la science et de la Raison. En plus de la faute de disproportion logique, ON AURAIT COMMIS celle de la contradiction. En plus de la méconnaissance du Tout, on aurait commis la méconnaissance du statut de la vérité dans l’épistémologie diopienne. J’ouvrirai donc ma Réponse dans les jours qui viennent en toute âme et conscience. En toute probité afin qu’elle puisse éclairer ceux qui recherchent la lumière et permettre aux docte de conforter l’ossature de leur viatique. Hotep Hetep !!!

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(1) : Le fondateur de l’École d’égyptologie et d’épistémologie de l’égyptologie de Libreville a consacré trois livres à son Maître :

-Aux sources égyptiennes du savoir I. Généalogie et enjeux de la pensée de Cheikh Anta Diop (1998).

-Aux sources égyptiennes du savoir II. Système et anti-système : Cheikh Anta Diop et la destruction du Logos classique (2000)

-Manifeste pour lire autrement l’œuvre de Cheikh Anta Diop Aujourd’hui. Actes d’un colloque international que l’auteur a organisé et présidé à Paris (2006).

Kii Kanla? Lumu nu indaaleel? n° 6


Invité Prof Dr Dr Tidiane Ndiaye


2014